Faut-il se faire opérer ?
Interview du Dr Barbara Ameline-Chalumeau (Vice-présidente de la Société Française d'Ophtalmologie - SFO)
par Cécile Thibert (FIGARO Santé - novembre 2023)
NOS CONSEILS SANTÉ - Chaque année en France, 100 000 à 200 000 personnes sautent le pas et font opérer leur myopie. L’objectif : se passer de lunettes ou de lentilles.
Qui est éligible, comment se passe l’opération, quels sont les risques ? Réponses avec une spécialiste.
Récupérer une bonne vue grâce à un laser. C’est la promesse faite par la chirurgie de la myopie[1](ou «chirurgie réfractive») aux personnes qui souhaitent s’affranchir de leurs lunettes ou lentilles. En France, 30 % des adultes sont myopes, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas voir nettement des objets éloignés. Chaque année, 100.000 à 200.000 d’entre eux se font opérer. Mais si l’«après- Covid» a vu apparaître un sursaut de demandes, certains spécialistes estiment que ce traitement pourrait être encore davantage utilisé. « Cette sous-utilisation peut s’expliquer par l’appréhension que peut susciter l’opération, par l’existence de nombreuses idées reçues, mais aussi par son coût, qui n’est pas pris en charge par la Sécurité Sociale, bien que certaines mutuelles y participent en partie », estime le Dr Barbara Ameline-Chalumeau, chirurgienne-ophtalmologue et vice-Présidente de la Société Française d'Ophtalmologie (SFO).
Alors, pour ou contre l’opération ? Avant toute chose, il convient de savoir qui y est éligible. « Quasiment tout adulte myope peut prétendre à se faire opérer, moyennant quelques conditions. En premier lieu, il faut que la vision soit stabilisée, c'est pourquoi nous n'opérons que très rarement avant l'âge de 25 ans », indique le Dr Barbara Ameline-Chalumeau. Le délai nécessaire à la stabilisation de la myopie, très variable d’une personne à l’autre, est généralement plus long en cas de myopie sévère. Les spécialistes estiment que le défaut visuel est stabilisé lorsque deux examens réalisés à deux ans d'intervalle ne montrent plus d’évolution. « L’autre critère prépondérant est d’avoir une cornée (partie antérieure du globe oculaire, NDLR) qui soit suffisamment épaisse, régulière et symétrique », poursuit la spécialiste. Les femmes enceintes et les personnes n’ayant qu’un seul œil en fonctionnement ne peuvent en revanche pas se faire opérer.
Quelles techniques sont disponibles ?
Parce que la myopie est due à un globe oculaire plus long que la normale, l’intervention chirurgicale consiste à compenser ce problème en aplatissant la cornée. Trois techniques sont disponibles, utilisant différents lasers, à ultraviolets ou à infrarouge :
« Les résultats de ces trois techniques sont très comparables en termes d’efficacité et de complication. La différence se trouve surtout dans les douleurs postopératoires », résume le Dr Ameline-Chalumeau. Par exemple, avec la PKR, la récupération visuelle est plus lente. « On a mal aux yeux pendant 24 à 48 heures et on voit flou pendant une semaine, ce qui est contraignant, souligne la spécialiste. Qui plus est, cette opération ne peut donner lieu à un arrêt maladie, il faut donc poser des congés. » Les deux autres techniques sont caractérisées par une convalescence très rapide, en seulement quelques heures, ce qui permet une reprise de l’activité professionnelle dès le lendemain de l’intervention. « La PKR est en fait surtout utilisée comme plan B, quand la cornée est trop fine ou irrégulière, ce qui représente tout de même 30 % des candidats », précise la spécialiste.
Le résultat est-il définitif ?
Quels résultats peuvent être espérés ? « Beaucoup de patients viennent nous voir avec la croyance qu’il faut se refaire opérer régulièrement, mais c’est faux ! Le résultat est définitif », fait valoir la chirurgienne. En revanche, il arrive que des personnes aient été opérées alors que leur myopie n’était pas encore bien stabilisée. Dans ce cas, le défaut peut revenir plusieurs années après l’opération. Par ailleurs, la vue évolue naturellement avec l’âge, ce qui peut rendre à nouveau nécessaire le port de lunettes, par exemple en cas de presbytie. « Et il n’est pas impossible que les patients opérés aient besoin de lunettes de repos pour travailler sur ordinateur, prévient le Dr Ameline- Chalumeau. Mais ce qui ressort très largement de tout cela, c’est une amélioration de la qualité de vie. »
Il arrive par ailleurs que le résultat ne soit pas d'emblée optimal et qu'une retouche soit nécessaire, ce qui implique une nouvelle opération. « Cette éventualité est généralement incluse dans le prix de départ », souligne la spécialiste.
L’opération est-elle risquée ?
Parce que la vue est un sens extrêmement précieux, personne ne veut risquer
de la perdre pour une simple question de confort ou d’esthétique. Mais bien qu’elle soit impressionnante, la chirurgie réfractive est très sûre. « Les lasers sont en grande partie automatisés. Même si l’œil bouge pendant l’intervention, il n’y a aucun risque que cela impacte le résultat final », rassure la chirurgienne, qui insiste sur le fait que les effets indésirables sont « exceptionnels ». La sécheresse oculaire est de loin la complication la plus fréquente, elle peut toucher jusqu’à un tiers des personnes opérées. Ce symptôme, le plus souvent léger, est transitoire dans la grande majorité des cas, tout comme une sensibilité accrue à la lumière.
Plus rarement, l’intervention peut comme n'importe quelle chirurgie être suivie d’une infection, raison pour laquelle les femmes enceintes ne doivent pas être opérées (la plupart des antibiotiques sont proscrits pendant la grossesse). « Des études ont montré que le risque de développer une infection après une chirurgie réfractive est identique à celui lié au port de lentilles pendant un an », précise cependant le Dr Barbara Ameline-Chalumeau. Cette dernière veut battre en brèche les idées reçues. « J’entends souvent que les femmes doivent être opérées après avoir eu leurs enfants ou encore que certains sports seraient à proscrire après l'opération, mais ce n'est pas vrai, rappelle-t-elle. De même, peu de gens le savent, mais cette chirurgie permet aussi corriger un astigmatisme en même temps que la myopie, ainsi que d’autres défauts de vision. »
L’opération est-elle douloureuse ?
Et contrairement à une crainte très fréquente, cette chirurgie est totalement indolore. « On pratique une anesthésie locale à l'aide de gouttes de collyre, c'est très efficace. Le patient ne voit pas ce qu'il se passe et la manipulation au laser ne dure que 15 à 30 secondes », rassure le Dr Barbara Ameline-Chalumeau. Les deux yeux sont opérés d'un coup, et le patient peut rentrer chez lui dans la foulée.
Outre la crainte des effets indésirables, le coût de l’opération peut décourager certains candidats, puisqu’il faut compter 2 000 à 3 000 euros pour les deux yeux. Ce qui, sur le long terme, peut se révéler être un bon calcul, quand on compare cette somme au coût des verres et des montures.
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Le Figaro.fr: - https://www.lefigaro.fr/sciences/myopie-faut-il-se-faire-operer-20231120
1) https://sante.lefigaro.fr/sante/maladie/myopie/quest-ce-que-cest
Dernière modification le : 23/11/2023